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La Mort Morte

Dans une théâtralité « d’un comique irrésistible », Gherasim Luca nous invite à son face à face avec sa propre mort.

Il tente de la maîtriser par le suicide.

Tentatives de suicide manquées mais aussi tentative de détruire par une pensée absolue l’obsession de la mort : le rire est au bord du néant.

On pourrait presque croire que la mort est la fin de la vie. Certains la désirent, certains la redoutent, certains prennent ça pour une punition. Mais alors, dans ce dernier cas, la naissance est également une punition car elle amène, inévitablement, à la mort.

Ghérasim LUCA nous fait part de l’analyse qu’il fait de la mort. Il essaie de trouver une solution, une réponse, une définition. Il cherche à savoir ce qui peut lier l’homme à la mort, au néant.

Confronté à une dépression, Ghérasim LUCA est la proie d’une mort certaine qu’il n’a pas demandée.
Il voudra donc maîtriser sa mort.
Doit-il se la donner ?
Peut-on la lui donner ?
Par quel moyen ?
Ghérasim LUCA aimerait qu’une partie de son cerveau meure pendant que l’autre moitié analyse, comprenne la partie mourante.

Après tant de réflexion, il est envahi par le doute et prend la décision ultime du suicide car, de toute façon, il n’y a pas de droit de réponse.

Mais tout ceci est une vaste plaisanterie et la mort n’est que le prolongement de la vie.

Mon dixième anniversaire est le premier qui m’a autant marqué. J’ai pris conscience pour la première fois de ma vie, que mon âge allait prendre à jamais deux chiffres. Et qu’à contrario, plus jamais de ma vie, mon âge ne contiendrait un seul chiffre.

A dix ans, je réalisais déjà le début de la fin.
A mes vingt ans, c’était l’âge de l’insouciance, des défis, de l’inconscience.
A mes trente ans, je réalisais, avec effroi, ma non-immortalité. Ce fut un choc. Depuis lors, j’essaie de savourer tous les instants de la vie, toutes les relations humaines. Je tente d’orienter tous les événements que je vis du côté positif.

Mais une question m’obsède. Ma vie n’a qu’une durée limitée. Ce n’est pas la date de péremption qui me taraude, mais bien ce qu’il y a après.
Dans l’année de mes quarante ans, j’ai découvert, par hasard, « La Mort Morte » de Ghérasim Luca.
Et pour moi, ce fut une révélation. Le texte m’a de suite interpelé. Je n’y ai pas trouvé la réponse à ma question bassement primaire « C’est quoi la mort ? », mais une vision, une approche, une dissection de tous les comportements, de tous les ressentis et de toutes les appréhensions que je peux avoir envers la mort.
Ghérasim Luca nous livre son face à face avec « la mort traumatique ». Il tente de comprendre et d’analyser ce qu’il peut bien y avoir après la vie: quelle approche, quel regard peut-il avoir de la mort de son vivant ?
Ce texte m’a ouvert de nouveaux horizons; m’a de nouveau posé d’autres questions; m’a fait comprendre de nouveaux axes sur mes rapports avec la mort.

En 1994, le corps de Ghérasim Luca est retrouvé sans vie dans la Seine après qu’il s’y soit volontairement jeté. C’était sa sixième tentative de suicide.
Je pense qu’il est important de mettre en scène les cinq tentatives précédentes. Ghérasim Luca ne voulait pas seulement comprendre, analyser la mort, mais aussi la maîtriser.

Laurent MASCLES

AVIGNON en scènes 2010

La Mort morte
Laurent Mascles met en scène La Mort morte de Ghérasim Luca, analyse du néant insondable, volonté de maîtrise de l’irreprésentable et face-à-face avec sa tentation et son aveuglant mystère.
En 1994, Ghérasim Luca se jetait dans la Seine après avoir essayé à cinq reprises de mettre fin à ses jours. La Mort morte, l’un de ses plus anciens textes qu’il n’avait pas cessé de retraduire depuis vingt ans, venait de paraître et exposait, avec une ironie d’autant plus grinçante, les différentes méthodes de suicide. Surréaliste roumain qui avait fait du français, selon le mot de Deleuze « sa langue à soi comme un étranger », Ghérasim Luca invente le langage comme on invente un trésor, dans le prodigieux bégaiement et la répétition obsédante de la syllabe. Il recompose le sens du monde à partir de juxtapositions, de crases, de rencontres presque hasardeuses et d’audaces libertaires : la glaise verbale devient matériau quasi musical et la langue explore l’indicible et le néant, et notamment celui de la mort, cette promesse, menace et risque constant de l’existence que Ghérasim Luca traversa en pessimiste actif. Avouant être taraudé depuis toujours par l’effroi de la « non-immortalité », le metteur en scène Laurent Mascles a découvert La Mort morte comme une « révélation ». En compagnie du foudroyant Luca, il conduit le spectateur sur le chemin poétique et métaphysique que dessine son verbe puissamment créatif.
 
Catherine Robert


Avignon Off, La Mort morte, de Ghérasim Luca ; mise en scène de Laurent Mascles. Du 8 au 31 juillet 2010 à 15h15. Théâtre Art en Scène, 8, rue Londe (entrée rue Rateau). Tél. : 04 90 85 47 38.

Journal « La Terrasse » / Hors-série / Juillet 2010


Article sur www.revuespectacle.com le 23 juillet 2010